« UN JUGEMENT QUI FAIT DU BIEN » TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES 8 FEVRIER 2024 N°2105200
Voici une décision intéressante, certes d’une juridiction de premier degré puisqu’il s’agit d’un jugement du Tribunal Administratif de RENNES, mais qui présente quelques particularités dont une principale que notre profession doit garder en permanence à l‘esprit dans les discussions avec les services de l’Etat s’agissant de la « fameuse » continuité écologique.
En effet vous savez qu’aux termes des dispositions de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, le législateur a entendu rappeler que les dispositions des chapitres Ier à VII du titre Ier du code de l’environnement « Eaux et Milieux Aquatiques », ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.
Cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise notamment à assurer :
5° La valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource
Le tribunal de RENNES a donc jugé, fort justement, qu’il résultait de ces dispositions que la valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable, ainsi que la répartition de cette ressource, constituait l’un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l’eau doivent assurer le respect.
Il appartient ainsi à l’autorité administrative compétente, soulignent les juges rennais, lorsqu’elle autorise au titre de cette police de l’eau des installations ou ouvrages de production d’énergie hydraulique, de concilier ces différents objectifs dont la préservation du patrimoine hydraulique et en particulier des moulins aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, compte tenu du potentiel de production électrique propre à chaque installation ou ouvrage.
Reconnaissons que cela fait plaisir à lire et qu’il convient de marteler sans cesse cette affirmation qui n’est que le rappel de ce qu’a voulu le législateur !
Ce jugement est également intéressant en ce qu’il rappelle les conditions d’application des dispositions de l’article R. 214-18-1 du code de l’environnement qui concerne nombre de nos petites installations, et notamment celles bénéficiant de droits fondés en titre ou sur titre.
Pour mémoire, et en application du § I de ce texte, il est prévu que :
« I. – Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d’installations ou d’ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d’appréciation. »
Le préfet, au vu de ces éléments d’appréciation, peut prendre une ou plusieurs des dispositions suivantes :
/ 1° Reconnaître le droit fondé en titre attaché à l’installation ou à l’ouvrage et sa consistance légale ou en reconnaître le caractère autorisé avant 1919 pour une puissance inférieure à 150 kW ;
/ 2° Constater la perte du droit liée à la ruine ou au changement d’affectation de l’ouvrage ou de l’installation ou constater l’absence d’autorisation avant 1919 et fixer, s’il y a lieu, les prescriptions de remise en état du site ;
/ 3° Modifier ou abroger le droit fondé en titre ou l’autorisation en application des dispositions du II ou du II bis de l’article L. 214-4 ;
/ 4° Fixer, s’il y a lieu, des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l’article R. 181-45. « .
Faisant application de ce texte, les juges rennais ont considéré qu’il résultait de leur instruction qu’alors même que le moulin de Tréblavet avait cessé d’être exploité pendant plusieurs années, les ouvrages essentiels à l’utilisation de l’énergie hydraulique n’avaient pas été atteints de ruine et n’avaient pas changé d’affectation.
Dès lors, la SCI Mizu, désormais propriétaire de l’ouvrage, avait ainsi conservé la consistance de l’autorisation antérieurement accordée et la microcentrale hydroélectrique du moulin de Tréblavet était réputée autorisée en vertu des dispositions précitées de l’article L. 214-6 du code de l’environnement.
L’exploitant était ainsi seulement tenu, conformément aux dispositions de l’article R. 214-18-1 du code l’environnement, de porter à la connaissance du préfet du Morbihan les éléments relatifs à la remise en fonctionnement de l’installation, afin de permettre l’instruction du projet au regard des risques pour la gestion équilibrée de la ressource en eau et de prévoir, soit des prescriptions complémentaires à l’autorisation initiale au titre de la police de l’eau, soit le dépôt d’une demande d’autorisation en cas de modification substantielle entraînant des dangers ou inconvénients pour les intérêts protégés par l’article L 211-1 du code de l’environnement.
Dans cette espèce, le recours contre l’arrêté favorable du Préfet avait été engagé par Fédération du Morbihan pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FMPPMA) et l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA) La Gaule Melrandaise, qui soutenaient que le projet de remise en service des ouvrages hydrauliques du moulin de Tréblavet, tel que validé par le préfet du Morbihan, complété par des prescriptions complémentaires, ne permettait pas d’atteindre l’obligation de résultat concernant la continuité écologique.
Nous pouvons donc conclure très clairement qu’en tous les domaines, et spécialement le nôtre, il est toujours important de rappeler les principes et les textes de lois.