HYDROÉLECTRICITÉ DU PONTURIN :
LA CAA DE LYON CONFIRME L'AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE

Un arrêt intéressant vient d’être rendu dernièrement par la Cour Administrative d’Appel de LYON dans un litige qui opposait un porteur de projet à l’association « FNE » (France Nature Environnement).

Cette dernière avait saisi le tribunal administratif de Grenoble en vue de faire annuler l’arrêté du préfet de la Savoie du 26 décembre 2019 portant autorisation environnementale, en vue de la réalisation d’un aménagement hydro-électrique sur le torrent du Ponturin à Peisey-Nancroix et Landry au profit de la société Ponturin ENR.

Le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté la requête par un jugement du 17 janvier 2023 (n°2002451).

Qu’à cela ne tienne, il en faut plus à l’association FNE pour renoncer et cette dernière a porté le contentieux devant la Cour Administrative d’Appel de Lyon.
Mal lui en a pris puisque cette dernière a confirmé le jugement du tribunal administratif et rejeté en conséquence sa requête. 
La position des magistrats de cette cour est à saluer et donne quelques espoirs en faveur des porteurs de projets, dans la mesure où faut-il le souligner, ces projets sont sérieusement bâtis et étayés (ce qui est quand même généralement le cas).
Outre un moyen de procédure rapidement écarté par la cour, l’association FNE visait un moyen tiré de la violation des dispositions de l’article R 212-16 du code de l’environnement (CE) disposant en son alinéa Ibis que des dérogations prévues au VII de l’article L 212-1 ne peuvent être accordées, pour un projet entraînant des modifications dans les caractéristiques physiques des eaux… Que lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies.

La cour répond cependant que « le projet en litige, qui a pour seul but d’utiliser l’énergie motrice de la chute d’eau en vue de la production d’électricité, porterait atteinte à la qualité des eaux. »
Très intéressant ce considérant qui a valeur de principe et qui pourra être utilisé dans d’autres litiges, par d’autres porteurs de projets face à ce moyen.
Dans un second temps la cour administrative balaye les différentes critiques formulées à l’encontre de l’étude d’impact qu’elle considère au contraire comme suffisamment motivée (l’étude étant jugée dépourvue d’insuffisances ou d’omissions).

Elle rappelle au passage qu’à supposer qu’il existe une telle insuffisance ou omission, encore, faudrait-il démontrer, pour vicier la procédure, que celle-ci a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou qu’elle ait été de nature à exercer une influence sur la décision prise par l’administration.
Elle constate que, dans le cas d’espèce, sont satisfaisantes :
1. La description de l’état initial de l’environnement, notamment l’hydrologie du torrent concerné
2. La faune pour les populations piscicoles et les invertébrés
3. La flore

Concernant le débit réservé, l’étude d’impact expose que ce dernier a été fixé à 0,230 m3/s, correspondant au dixième du module naturel, soit le débit prévu par l’article L 214-18 du CE, dont nous considérons qu’il devrait, par principe constitué le débit biologique, sauf pour l’administration à justifier techniquement de son insuffisance.
La cour constate que ce débit minimum est justifié, notamment par la faible densité des populations de truites observées et par la présence d’obstacles naturels à leur circulation. 
Cette analyse des hauts magistrats lyonnais fera sans doute plaisir à nombre d’adhérents qui soulèvent régulièrement ce type d’arguments sans être entendu par l’administration !
Autre moyen soulevé par l’association FNE, l’absence de dérogation aux interdictions d’atteintes aux espèces protégées, s’agissant notamment de certaines espèces comme la buxbaumie verte, trente-deux espèces d’oiseaux protégés ou encore la couleuvre à collier.
La cour écarte encore une fois ce moyen par un argument intéressant, au demeurant parfaitement conforme aux textes.
Elle juge à l’examen des pièces du bénéficiaire de l’arrêté que les mesures prévues s’agissant d’une part des caractéristiques du projet (choix des conduites enterrées, dispositif de franchissement piscicole, dévalisons du poisson et chute d’eau de faible importance) et d’autre part de la nature des travaux (caractère du défrichement, végétalisation des berges, espèces herbacées locales) sont de nature, pour les premières à éviter et pour la seconde à réduire le risque d’atteinte aux espèces protégées de telle sorte que se trouve insuffisamment caractérisée l’obligation d’une dérogation aux interdictions d’atteintes aux espèces protégées.
Enfin, le dernier considérant de cet arrêt mérite que l’on s’y attarde un peu puisqu’il porte sur la prétendue violation par l’administration des dispositions très intéressantes des dispositions de l’article L 211-1 du CE.

Cet article dispose, dans son (I) comme vous le savez, que la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer un certain nombre d’objectifs :
1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides.
2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout-fait susceptible de provoquer ou d’accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu’il s’agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ;
3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ;
4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ;
5° La valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ;
5° bis : la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ;
6° La promotion d’une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, notamment par le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l’utilisation des eaux de pluie en remplacement de l’eau potable ;
7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques.


Dans son II, il précise que la gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou de concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences :

1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ;
2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ;
3° De l’agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l’industrie, de la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques, ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées.

La cour précise qu’aux termes de l’article L. 181-3 du CE, dans sa version applicable au litige :

« II. – L’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent également (…) / 8° La prise en compte des critères mentionnés à l’article L. 311-5 du code de l’énergie, lorsque l’autorisation environnementale tient lieu de l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité en application de l’article L. 311-1 de ce code ; (…). »

D’autre part, aux termes de l’article L. 311-5 du code de l’énergie :

« L’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité est délivrée par l’autorité administrative en tenant compte des critères suivants :
1° L’impact de l’installation sur l’équilibre entre l’offre et la demande et sur la sécurité d’approvisionnement, évalués au regard de l’objectif fixé à l’article L. 100-1 ;
2° La nature et l’origine des sources d’énergie primaire au regard des objectifs mentionnés aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 ;
3° L’efficacité énergétique de l’installation, comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;
4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;
5° L’impact de l’installation sur les objectifs de lutte contre l’aggravation de l’effet de serre.
/ L’autorisation d’exploiter doit être compatible avec la programmation pluriannuelle de l’énergie. »

La cour administrative d’appel de Lyon juge ainsi, sur ces éléments, que :

« La valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production électrique d’origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource constitue l’un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, dont les autorités administratives chargées de la police de l’eau doivent assurer le respect.
Il appartient à cette dernière de concilier ces différents objectifs, dont la préservation du patrimoine hydraulique, compte tenu du potentiel de production électrique propre à chaque installation ou ouvrage.
Il résulte de l’instruction que le projet, qui a pour objet d’assurer la couverture partielle en énergie électrique renouvelable des besoins des communes de Peisey-Nancroix et de Landry par l’exploitation de ressources locales, n’aura pas d’incidence sur la quantité ni sur la qualité de la ressource en eau… »

Il en résulte donc pour la cour qu’il n’est pas démontré que les intérêts mentionnés par les dispositions de l’article L. 211-1 du CE n’auraient pas été pris en compte.

La requête en appel de l’association est donc rejetée, mais, malheureusement, il n’est pas fait droit à la demande de la société Ponturin ENR concernant la somme réclamée au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, en l’espèce 6 000,00 €, qui permet à la partie qui succombe d’être condamnée à rembourser à l’autre une partie de ses frais de procédure… Dommage !

Arnaud DOLLET, Consultant juridique de la Fédération EAF

DÉCOUVREZ LA VIDÉO DE PRÉSENTATION
DE LA FÉDÉRATION EAF